COMPRENDRE LES BESOINS ET LES INTÉRÊTS DANS LA PERSPECTIVE DE LA TRANSITION FAMILIALE (ARTICLE 3/10)
16 novembre 2017, Linda Bérubé

Le médiateur doit aider les deux parties à identifier leurs besoins propres et à les exprimer. Il doit également favoriser l’écoute active et la reconnaissance des besoins mutuels. L’ouverture à l’autre et l’affirmation de soi sont les deux attitudes essentielles que le médiateur doit favoriser chez les personnes en médiation. Ces dernières doivent sentir que leurs principaux besoins ont été compris; pour avancer vers une entente, elles doivent aussi faire preuve d’ouverture aux besoins de l’autre.
La deuxième phase de la négociation raisonnée qui comprend l’exploration des besoins particuliers et communs est cruciale. Lorsque la médiation bloque ou tourne en rond, c’est souvent parce que les besoins réels des personnes n’ont pas été mis à jour adéquatement. Pour faire une analyse complète des besoins, il est utile de se référer à la pyramide des besoins de Maslow (Maslow, 1972).
Les personnes qui se séparent sont touchées dans leur besoin de sécurité. Elles vivent la nécessité d’assurer leur survie et celle de leurs enfants, la diminution des ressources disponibles, la nécessité de se réorganiser matériellement dans deux foyers. Elles ont besoin, dans la mesure des ressources disponibles, de sentir que le partage sera équitable. Le médiateur doit faire sentir aux personnes que la médiation vise à permettre à chacun de se réorganiser convenablement avec les ressources disponibles.
Les personnes sont aussi touchées dans leurs besoins affectifs et dans leur image d’elles-mêmes. Qu’elles aient décidé de la rupture ou qu’elles la subissent, elles vivent une perte. Perte d’appartenance à un couple, à une famille, perte d’estime d’elles-mêmes. Elles ont un deuil à faire qui prendra un certain temps et engendrera une gamme d’émotions contradictoires : colère, peur, tristesse, etc. Il est nécessaire que le médiateur comprenne que le deuil prend du temps et respecte le rythme des personnes (Bérubé, 2001, p.35).
Les personnes ont besoin de comprendre, de donner un sens à ce qui leur arrive. La période qui entoure la rupture du couple en est une de confusion. Les personnes ont besoin de se faire une image de ce qui leur arrive. La reconnaissance du fait que ce qu’elles vivent est une période d’inconnu, source de confusion et le recadrage de leur situation dans la perspective de la transition familiale peut aider. La transition familiale est constituée par une série d’étapes de passage qui va du deuil du couple et de l’ancienne famille à la récréation de nouveaux liens personnels, parentaux et économiques (Bérubé, 2001).
Pendant la période
entourant la rupture, les personnes sont centrées sur leurs difficultés et ne
sont que peu disponibles à se mettre dans la peau de l’autre. Pourtant, les
personnes vivent chacun de leur côté des expériences qui, bien que différentes
pour celui qui subit la séparation ou pour celui qui l’a amorcé, comportent
beaucoup de points communs. En raison de leur propre souffrance, les personnes
ont tendance à ignorer que l’autre aussi
a des besoins. Le médiateur doit très souvent souligner aux personnes qu’elles
ont plus en commun qu’elles ne le croient. Le tableau qui suit propose un résumé des besoins communs aux
personnes vivant une rupture conjugale. Le médiateur peut souligner certains de
ces besoins si les parties ne le font pas d’elles-mêmes et vérifier ce que
chacun vit relativement à ces aspects.
Tableau 1 : Besoins communs aux
personnes qui vivent une rupture conjugale
Besoins
physiques et matériels |
Minimum vital pour soi-même et ses
enfants Maintien d’un niveau de vie décent Minimiser la diminution d’un
niveau de vie antérieur |
Besoins
d’appartenance |
Faire le deuil de la relation de
couple Continuer de se sentir parent Maintenir un cercle d’amis Redéfinir les relations avec la
belle-famille |
Besoins
d’estime de soi |
Respect de soi et de ses choix Sentiment d’être une personne
adéquate, un bon parent Conserver l’estime de ses proches |
Besoins
d’actualisation |
Espoir de pouvoir se réaliser dans
sa nouvelle vie de personne séparée |
La manière de présenter les questions à régler en médiation est très importante pour donner un sens aux discussions. Les échanges entourant les questions à régler, sont l’occasion, pour les personnes, en plus de parvenir à des ententes, de redéfinir leur future relation quant aux questions matérielles, parentales et économiques. Plutôt que de parler en termes de règlement du partage des biens, de la garde des enfants et de la pension alimentaire pour enfants ou conjoint, il sera beaucoup plus significatif de redéfinir les questions à résoudre, pendant la période de transition, sous forme d’objectifs à atteindre :
- - Mettre fin à
l’association économique du couple en effectuant le partage des biens.
- - Créer de nouveaux
liens entre parents et enfants en
établissant le partage du temps de vie
dans chaque foyer et le partage des responsabilités parentales.
- - Définir une nouvelle
répartition des dépenses dans chacun des foyers en partageant les
responsabilités financières concernant les enfants.
- - Définir des modalités pour rééquilibrer les revenus entre les ex-conjoints en déterminant, si nécessaire, une pension alimentaire pour le conjoint qui en a besoin et en établissant des modalités de transition vers l’autonomie financière de chacun.
Grâce aux termes
utilisés et à la manière de nommer le travail à faire, les personnes auront
moins tendance à se fixer sur leurs positions. En recadrant les enjeux de la
médiation dans une perspective familiale, le médiateur permet aux parents de se
centrer sur la tâche commune, soit celle d’effectuer au mieux, pour eux et
leurs enfants, la transition entre la vie dans un foyer et la vie dans deux
foyers.